Assise avec les filles dans un DASH 8-100, j'observe les nuages à travers les hublots et je réalise que nous l'avons bel et bien réussi ce fameux passage du Nord Ouest! (en tout cas la première partie, car pour les hommes le voyage continue encore quelques semaines...) Je n'arrive pas encore à y croire vraiment, et pourtant, je comprends mieux après ces dernières semaines intenses pourquoi nous sommes le premier catamaran à l'avoir essayé.
Quelques moments forts me resteront longtemps en mémoire:
- le ballet fascinant que les baleines nous ont offert peu après notre première sortie en mer à Nuuk et la petite boule au ventre à l'idée que ces dernières pourraient renverser notre bateau d'un coup de queue
- le goût des crabes que nous avons reçus avec plaisir de pêcheurs groenlandais (l'eau m'en monte à la bouche juste en y repensant; c'est fou par ailleurs comme nos papilles sont d'autant plus sensibles quand on navigue, les repas prenant une place centrale au courant des journées)
- les nuits hectiques à chasser les floes dérangeant soudain la tranquillité d'une baie jusque là épargnée par la glace
- mon plongeon glacé dans l'eau à 2 degrés lors d'un tour en solitaire en kayak avec un dry suit que je n'avais pas bien fermé...
- la montée d'adrénaline quand nous avons traversé la banquise devant Disko Bay
- le mélange de gratitude - sentiment d'avoir la chance de pouvoir observer de si près la nature et en même temps de vulnérabilité face à ses lois qui sont plus fortes que nous
- les engelures qui ont traumatisé nos pauvres pieds
- la rapidité de réaction et de prise de décision qui sont nécessaire quand on navigue dans des eaux à la météo aussi complexe
- l'air tout d'abord étonné de l'ours que nous avons rencontré, puis sa nonchalence quand il s'est aperçu que nous n'étions pas quelque chose à se mettre sous la dent
- l'extrême tension qui a envahi tout l'équipage alors que nous franchissions la sortie du Bellot Strait, après que Henry Larsen eut brisé la glace
- le sentiment de claustrophobie quand la glace entourait de plus en plus Libellule et que nous cherchions à sortir du labyrinthe de glace se tenant au sud du Peel Sound
- notre fou rire alors que le policier bienveillant de Cambridge Bay passant avec sa voiture nous a conseillé de retourner au bateau car il avait entendu des coups de feu qu'il n'arrivait pas à identifier et ne voulait pas qu'il nous arrive quelque chose (alors que c'était nous qui venions juste d'éclater notre joie en tirant des feux d'artifice dans le ciel...)

Ce voyage hors du commun m'aura confirmé 1. que mon mari est est encore plus fou que je ne le pensais de nous avoir entraînées dans cette aventure 2. que nous avons la chance d'avoir 3 filles incroyables qui sont toujours restées zen et optimistes malgré les conditions difficiles et 3. que sans détermination ou persévérance, on n'arrive à rien!

Il nous faut prendre maintenant 6 vols pour rentrer en Suisse, court séjour afin de préparer nos nouveaux sacs et repartir 2 jours plus tard pour une toute autre vie à... Shanghai!

Un grand merci encore à Sylvain et Yves, sans qui cette expédition n'aurait pas été possible!