Un passage sans encombre
18 February 2016 | Cayo Guano del Este, Cuba
Francis, ensoleillé, 27 degs C
Quel frappant contraste entre la solitude de Cayo Sal et la vie trépidante de Cienfuegos! Nous sommes partis peu après le lever du soleil de l'Ile au palmier solitaire mercredi matin sous une bonne brise du NNE. La houle n'était pas très forte car elle se brisait sur les récifs qui forment les Cayos de Dios mais une fois passé l'Ile de Guano del Este avec son phare en forme de fusée, la houle était un peu plus prononcée (environ un mètre) sur notre travers babord. Comme les vents étaient relativement légers (15 noeuds) et favorables, on a pu mettre toute les voiles (artimon, à l'arrière, inclu) et maintenir une vitesse raisonnable de cinq noeuds. On aurait pu faire plus de vitesse mais au détriment d'un cap défavorable vers l'est. Pour se rendre à Cienfuegos, il faut prendre un cap vers le nord-est en prenant bien soin d'éviter la zone militaire entourant la fameuse Baie des Cochons.
Depuis notre départ de Virginie, j'utilise le moins possible l'autopilote électronique, n'ayant pas encore eu la chance de faire l'entretien du vérin depuis que nous avons acheté Mikado en 2009. C'est une pièce quasi-essentielle quand vient le temps de faire les manoeuvres sur le pont et qu'il n'y a personne à la barre et qui a la réputation de vous lâcher au pire moment. Françoise m'a donc demandé pourquoi de pas essayer Régis, notre nouveau régulateur d'allure? Avec les mauvaises conditions météo depuis notre arrivée à Cuba, nous n'avions mis en fonction Régis qu'une seule fois auparavant, à Cayo San Felipe mais avec un succès mitigé, le vent s'étant évanoui peu après l'avoir mis en marche. Me voilà donc en train de ré-installer la girouette avec l'espoir de laisser le bateau naviguer seul les derniers quinze kilomètres quand tout à coup le vent disparaît! Il n'a pas simplement diminué, il a carrément disparu en l'espace de 30 secondes. Comme quoi, si on veut naviguer au moteur sans vent, il suffit d'activer le régulateur d'allure...
Nous sommes arrivés à l'entrée de la Baie de Cienfuegos au crépuscule. Pas de stress puisque l'entrée est bien marquée avec plusieurs bouées lumineuses pour le passage des cargos. À la première bouée, un bateau nous appelle sur la radio VHF: " Barco al entrada de Cienfuegos, barco al entrada de Ciefuegos, aqui esto Minero, cuales sus intenciones, quiere entrar al canal?" D'après ses feux de navigation, il était un remorqueur qui tirait probablement une barge et ses maneuvres étaient limitées. Il voulait connaître nos intentions. Je lui ai dit dans mon espagnol primaire que nous allions entrer dans le canal dans environ trente minutes et est-ce qu'il était d'accord pour nous laisser d'abord passer? "Ok, Ok, no problemo, pasad, te esperaré" Normalement, il aurait eu la priorité mais a été bon prince et nous a laissé passer sans chichis.
Quelques minutes plus tard, arrivés à la hauteur du poste de la Guarda, nous voyons les officiers, certains en camisole et à pieds nus, s'agiter et sortir de leur guérite. Les guides nautiques disaient tous que nous n'avions pas à nous y arrêter, les formalités d'entrée étant faites à la marina, mais leur agitation semblait indiquer qu'ils voulaient nous aborder. Nous avons donc fait demi-tour pour approcher leur gros quai en béton surmonté de "BIENVENIDOS A CUBA SOCIALISTA!" en grosses lettres. Françoise commence à mettre les défenses, je réduis les gaz et je vois alors un d'entre eux gesticuler "non" avec vigueur et nous dire de ne pas s'arrêter ici, de continuer jusqu'à la marina. On a encore beaucoup à apprendre du language corporel des cubains...
La baie de Cienfuegos est énorme, le canal seul fait plus de trois kilomètres de long et une fois à l'intérieur, on doit parcourir un autre trois kilomètres avant d'arriver à la marina Jagua. Nous avons tâté notre chemin à l'obscurité, avec le radar pour nous aider à identifier les bateaux ancrés devant la marina. Nous avons mouillé l'ancre à 22h à cent mètres de ce qui semblait être une grosse goelette. À peine ancrés, une vedette vient nous accoster avec à son bord le dockmaster de la marina et un officier de la Guarda. Je ne les avais même pas appelé sur la VHF, pensant qu'ils étaient partis souper. Quelle efficacité quand même ! Ils ont été très courtois, et les formalités complétées en quelques minutes (ils voulaient quand même terminer leur souper), après nous avoir souhaité bonne nuit, on a trinqué un verre de jus à une journée bien remplie et on est allé se coucher avec la promesse d'une belle visite à Cienfuegos le lendemain.
Mais ce sera le sujet du prochain blog...