Oui, nous étions nerveux.

Traverser le canal de Mona, entre la République Dominicaine et Puerto Rico est un défi en soi: les courants océaniques profonds qui remontent le rift de Puerto Rico peuvent créer des conditions difficiles, voire dangereuses dans la partie nord du Canal, surtout avec des vents contraires forts.

C'est une des raisons pour laquelle nous avions décidé de suivre la côte sud d'Hispaniola. Nous traversions ainsi la partie sud du Canal, loin des influences du rift.


Coucher de soleil au dessus d'Isla Saona, RD

Tout est une question de météo. Cela faisait quatre jours que nous attendions à Boca Chica l'ouverture d'une fenêtre et l'attente en a valu la peine: malgré une houle de 1 à 1.2m, somme toute assez longue, la traversée a été sans histoire. Le vent, jusque là de 6 à 8 noeuds de l'ESE, a forci à 0100 à dix noeuds et nous a permis de couper le moteur et naviguer au foc et artimon. C'était tellement tranquille que le seul événement majeur a été la rencontre d'une plate-forme de forage à la remorque, le "Condor Atwood", illuminé comme un arbre de Noel.

C'est donc fatigués mais soulagés que nous jetions l'ancre dans la baie de Boqueron à Puerto Rico à 0800.

On critique avec plaisir les Américains mais leur procédure de dédouanement est un charme comparativement à la bousculade dominicaine: un appel téléphonique où nous donnons nos informations personnelles et c'est tout. Nous n'avions pas de carte SIM portoricaine mais nous pouvions appeler les douaniers et laisser les informations sur leur boîte vocale. Seule problème: on ne pouvait recevoir les appels (ce qu'on ne savait évidemment pas).

Vers 1000, la police vient interrompre notre sieste pour nous dire qu'ils avaient été dépêchés par les douaniers pour compléter les procédures de dédouanement. Officier Ramos, un géant de 6'6" au crâne parfaitement rasé, a fait rapidement l'inspection du navire (probablement parce que sa tête frappait constamment le plafond).

"Bienvenidos a Puerto Rico", nous dit l'officier Ramos.

Après les formalités complétées, on a pu se recoucher mais le sommeil fut de courte durée: avec la fatigue accumulée du passage de vingt cinq heures, je n'avait pas tenu compte du rocher avec 1.8m de sonde qui gisait maintenant juste sous la quille!

C'est donc pour ça qu'il n'y avait pas de bateaux à cet endroit !

On repart le moteur (encore chaud), on relève l'ancre en vitesse et on se repositionne cinquante mètres plus au sud. Enfin on peut dormir sur nos deux oreilles.

Oui, "bienvenidos a Puerto Rico"