Le baptême de la saison
18 December 2018 | Baie de Tyrrell, Carriacou
Francis, Ensoleillé, 29ºC
C'était décidé: notre départ de Grenade pour traverser jusqu'à Carriacou allait se faire à une heure trente du matin afin de profiter des accalmies de nuit et arriver à la pointe nord de l'île vers quatre heures au moment de la renverse du courant. Celle-ci nous permettra de gagner de l'est en remontant au nord au petit largue. Le soir, on nota donc la position des bateaux (surtout les paresseux qui n'allument aucun feu) afin de ne pas leur rentrer dedans au milieu de la nuit.
Premier pépin, dans l'obscurité et sous la pluie battante Françoise annonce que nous avons remonté un cordage avec l'ancre. Après inspection il s'agissait plutôt de longues bandes de tissus faciles à découper. La navigation sous le vent de l'île se fit sans heurt sauf pour le grain occasionnel qui nous détrempait d'une pluie tiède.
Les difficultés ont commencé à la pointe David au nord de l'île alors qu'il fallait affronter au moteur un vent de face de quinze à vingt noeuds et des vagues courtes de trois à cinq pieds. Une heure et demi d'inconfort pour faire de l'est jusqu'à Levera Bay, à l'extrémité NE de Grenade. Quel bonheur quand vient le temps de virer au nord et cesser ce jeu de rodéo.
Nous sommes passés vers six heures sous le vent de la petite île Ronde et les rochers Sisters avec un courant favorable d'un demi-noeud en voyant en passant le bel ancrage quasi-désert dont m'avait parlé Danielle de Joda en Avril dernier. La tentation était grande d'y trouver refuge mais je craignais que les alizés ne forcissent les jours suivants et nous clouent sur place. Nous avons donc à regret poursuivi notre route vers Carriacou.
C'est en laissant l'île Ronde que l'effet Venturi des vents entre les îles s'est vraiment fait sentir avec des pointes de 25 noeuds et un clapot vraiment déplaisant. C'est à ce moment que j'ai commencé à entendre un claquement métallique inhabituel. Derrière moi j'aperçois avec horreur le bas-hauban tribord du mât d'artimon lâche et sa cadène sortie d'au moins deux centimètres: aucun doute, sous l'effet répété des chocs (et une corrosion cachée depuis quelques années) la cadène a cassé sous le pont. Pas de temps à perdre, j'attache la drisse de l'artimon sur le rail de fargue près du hauban malade et la tend au max.
Nous avons ainsi continué les trois heures suivantes à naviguer (avec la crainte constante qu'une autre cadène nous dise " moi aussi je vous lâche ", surtout au moment des virements de bords).
Mais nous avons pu nous rendre à bon port dans Tyrrell Bay, Carriacou et nous ancrer à 09:30 sur un fond en sable avec une bonne prise mais avec un vent qui pouvait encore écorner quelques boeufs.
Le jour même j'ai commencé à défaire les panneaux au fond des armoires et casiers pour examiner toutes les cadènes. Quel allait être l'étendue de la corrosion. Allions-nous rester indéfiniment à Carriacou à attendre la livraison de combien de cadènes de Dieu sait où.
C'est là que Facebook nous est venu en aide. Un appel à l'aide sur la page FB des navigateurs de Grenade m'a rapidement indiqué que notre sauveur se trouvait à 500 mètres sur un atelier de soudure flottant. Dominique Weber, un Français vivant à Carriacou depuis plusieurs années fait de la soudure et de la fabrication de pièces d'inox et aluminium sur son vieux trimaran flottant au large de la marina. Le lendemain de notre arrivée je lui ai apporté la pièce endommagée et la cadène opposée (qui montrait le plus de rouille). Mardi Dominique m'avait fabriqué deux jolies cadènes bien polies.
Vous pouvez voir une photo des vieilles et nouvelles cadènes dans l’album des Îles Au Vent.
Je n'aurais jamais cru dire ça mais merci Facebook et surtout merci Dominique. On pourra partir l'esprit en paix!
P.S. Finalement le AIS n'a pas rendu l'âme, seulement son affichage car Nadine a pu nous suivre sur marinetraffic.com. J'ai quand même commandé une nouvelle unité que nous irons récupérer à St-Marteen.