Haïti et la Covid-19
25 March 2020 | Île à Vache, Haiti
Françoise | Clair, 28ºC
Un pays en état de panique: les habitants de Jacmel qui nous observent attentivement avant que les autorités viennent nous dire de déguerpir.
Trouvez l’erreur en ces temps de distanciation sociale.
L'OMS qui a recommandé la fermeture des pays a peut-être eu une idée logique, mais n'a pas pensé aux conséquences sur les navigateurs.
L'hiver est la saison de navigation dans les Antilles, les Bahamas, mais aussi un peu partout dans le monde. Pour notre part, cet hiver, nous voulions ramener le bateau en Nouvelle-Ecosse. C'était bien parti, nous étions à Puerto Rico quand nous avons entendu parler de la Covid-19, nous avons fait un bon approvisionnement, juste au cas où... Nous sommes passés par le sud de la république et étions à Barahona, dernière escale quand le pays a été fermé. Sur le site Noonsite, on disait quels pays étaient ouverts. Les Bahamas : ouverts aux USA et Canadiens retournant au pays. Tout était parfait. On prévoyait un arrêt à Jacmel et l'île à Vache à Haïti. Aucune info qu'Haïti était fermé. Notre arrêt pour dormir seulement à Las Aguillas en RD a attiré l'attention des marina de guerra (genre garde côte, mais plus armée) qui sont venus armés nous demander de partir. Nous étions en fin de gastro et Francis a feint d'être plus malade et ils ont accepté de nous laisser 2 jours pour nous remettre (avec antibiotiques) mais nous on fait déplacer en face de leur bureau à Cabo Rojo. Départ vers Jacmel et arrivée fin pm. Un bateau est venu nous dire de partir puis un autre de la Semana. Le ton menaçant, on n'a pas perdu une minute, sitôt arrivés sitôt sorti. Une nuit de navigation et on se retrouve à l'île à Vache. Cet ancrage est isolé et nous avions espoir que n'étant pas un port d'entrée officiel comme Jacmel on nous permettrait d'ancrer sans débarquer. Malheureusement on a droit au même traitement mais avec un incitatif: c'est à la mitraillette qu'on nous reçoit.
Direction Bahamas, par le passage Windward entre Cuba et Haïti. En plein pendant le passage d'un front froid. On ne devrait jamais à avoir à sortir dans de telles conditions, surtout pour faire du près! 2 jours de navigation, pénibles. Ne sachant pas quelle réception nous attendait, nous avons arrêté l'AIS pour ne pas se faire remarquer et sommes allés s'ancrer au sud de l'île Great Inagua. Le matin c'est un hélicoptère qui nous survole!!! L'ancrage étant très très rouleur, on a pas pu se reposer plus que ça. On décide d'aller à Matthew Town, la seule agglomération de l'île. On nous a dit que les Bahamas sont fermés et qu'un couvre-feu est instauré.. Au moins on peut se reposer! Enfin! On nous permet de faire le plein de diesel, d'eau, mais pas d'aller à terre, une personne pourra faire l'épicerie et nous permettre de partir par la suite. Finalement les Bahamas étant les Bahamas, Francis a pu aller faire l'épicerie et parler aux autres navigateurs, en maintenant une bonne distance sociale...
Ça c'est notre histoire et nous avons eu relativement de bonnes conditions, rien arrivé et on retourne vers le Canada, il y a de l'espoir.
Il faut quand même dénoncer la situation des navigateurs qui se font jeter hors des pays sans aucune considération des lois internationales qui permettent aux bateaux de naviguer dans les eaux territoriales sans s'arrêter, pour le passage seulement. Ainsi que du droit de s'arrêter pour du repos lorsque requis, toujours sans débarquer.
Les pays en fermant leur portes, on oublié ces droits des navigateurs.
A Las Aguillas, RD, nous avons été choyés, on nous a permis de rester 2 jours, mais à la radio, des Allemands sur un catamaran ont du quitter sur le champs avant même de jetter l'ancre. Ils venaient de La Romana, RD. Ils sont partis vers la Jamaïque. Hier Francis a parlé aux gens d'un autre bateau canadien: ils revenaient de Jamaïque où un navigateur solitaire venait de Panama après son long périple seul. On lui a coupé les amarres et il s'est fait pousser vers l'extérieur par des bateaux des autorités.
Pendant notre séjour en RD, nous avons vu des Européens qui cherchaient désespérément un port qui les accepteraient.
Force est de constater que la situation a vite tourné au pire, personne n'ayant pour cela fauter. Mais des lois ont été oubliées garantissant une sécurité aux navigateurs. On est pas loin des migrants... que je comprends mieux maintenant.
N.B. Tiré de La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (Montego Bay, 1982)
Les navires jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale. Le passage doit être continu et rapide. Toutefois le passage comprend l'arrêt et le mouillage s'il constitue des incidents ordinaires de navigation.
L'accord a entre autre été ratifié par les pays suivants:
Bahamas, 29 juillet 1983
Haïti, 31 juillet 1996
Jamaïque, 24 mars 1983
République Dominicaine, 10 juillet 2009
(On se demande ici, si le repos ou le mauvais temps constitue, pour un bateau de plaisance à équipage restreint, un incident ordinaire de navigation, sachant que ces lois visent les gros bateaux commerciaux)