La semaine qui s'ouvrait à partir de Forestville promettait d'être spéciale pour l'équipage de Mikado III. Une nouvelle recrue allait se joindre à nous: notre fille Gabrielle qui allait passer une semaine sur le bateau pour une remontée du fleuve jusqu'à Québec.
C'est donc avec une certaine trépidation que nous sommes arrivés deux jours plus tôt au havre du quai du traversier de Rivière-du-Loup à Forestville pour attendre Gabrielle. Elle devait se lever à quatre heures du matin pour se rendre en voiture jusqu'au Yacht Club de Québec, attraper un taxi pour se rendre à la gare et attraper le bus qui l'amènerait à Forestville. On était ravis d'apprendre par texto qu'elle était en chemin et encore plus quand on pu la serrer dans nos bras à l'arrêt de bus.
Pour lui permettre de s'amariner, on a passé la première nuit à Forestville (la houle était minime) et on s'est dirigé vers la Baie du Ha! Ha! au Bic toutes voiles dehors dans une légère brise du Sud-est. Gab a pu barrer et moudre de l'écoute. La pêche avec des morceaux de mactres a donné un bébé crapet-soleil de 8cm! Françoise a préparé des sandwiches au porc effiloché à la place.
Après une nuit orageuse et un ancrage rouleur, nous sommes partis une heure avant l'aube du Bic en direction de Tadoussac. Il fallait partir à 0500 pour profiter du courant et arriver à l'embouchure du Saguenay à l'étale pour ne pas affronter le " bœuf du Saguenay ", ce raz de courants créé par la rencontre du déversement du fjord dans le fleuve. On est d'abord passé à travers les huit cargos ancrés en attente de pilotes au large des Escoumins mais la brume épaisse s'est invitée et on a navigué aux instruments tout le reste de la journée. Heureusement le fleuve était une mer d'huile et on a pu observer une centaine de cétacés: bancs de marsouins puis des rorquals communs, rorquals à bosses et même des bélugas. Cela a sans doute été le plus beau spectacle de toute notre saison. On a été privilégiés de le partager avec notre fille.
L'ancrage dans la Baie de Tadoussac est assez particulier: comme à St-Vincent, le fond remonte très rapidement et avec un marnage de 15 pieds, il faut mettre beaucoup de chaîne. J'avais presque le goût d'aller porter une aussière non pas à un cocotier mais une épinette près de la grève.
Après dîner on est allé se promener à Tadoussac, d'abord au musée d'interprétation des cétacés qui a été ré-aménagé depuis notre dernière visite (il y a vingt ans...) puis à la microbrasserie de Tadoussac où Nous on a pu déguster une douzaine de saveurs différentes. Notre distillatrice était vraiment dans son milieu!
Nos zigzags sur le fleuve ont continué le lendemain par temps froids et gris à voile et au moteur vers l'Ile-du-Pôt-à-l'Eau-de-Vie, une île privée administrée par un organisme dédié à la conservation des oiseaux. De beaux chalets ont été construits autour du phare et les ornithologues et amateurs de randonnées peuvent y passer quelques jours en toute sérénité.
Le lendemain, direction au moteur vers le refuge du Cap-à-L'Aigle près de La Malbaie où nous pouvions chacun prendre une bonne douche chaude dans la capitainerie flambant neuve et regarder un film sur Netflix sur la tablette de Gab, gracieuseté du wifi de la Marina. On peut entrer et sortir de la Marina dans toutes les conditions de marée, une rareté sur le fleuve, surtout durant les marées lunaires où le marnage est de 18 pieds (c'était notre cas).
Rebelotte côté zigzag avec un départ tardif à midi de la Marina pour profiter du flot qui nous porterait vers Grosse-Île, 51 milles nautiques plus loin. La brise est demeurée légère ou refusait sauf en début d'après-midi où on a pû faire huit à neuf noeuds dans du quinze à vingt noeuds du sud en longeant la rive sud de l'Île-Aux-Oies. On s'est ancré dans la noirceur à 1930 devant l'ancienne station de réception des immigrants de Grosse-Île. Après une bonne choucroute garnie de l'amirale, on s'est couché tôt pour partir avant l'aube le lendemain pour encore profiter du flot.
La dernière journée de Gabrielle à bord à été un peu à l'image de la semaine: sans vents, au moteur, temps gris mais avec le soleil qui se pointe cette fois un peu le nez. Le courant de flot nous a poussé hardiment vers Québec, le long de la belle Île d'Orléans. Impossible de nous diriger vers le ponton qui nous avait été assigné au Yacht Club, le courant était trop fort. On s'est plutôt rabattu sur le ponton " d'urgence "à l'entrée où le capitaine de port nous avait suggéré d'aller en cas de difficultés.
Après une bonne douche et avoir amené Françoise à l'épicerie, Gabrielle nous a malheureusement quitté pour une randonnée qu'elle avait prévu faire le même jour dans l'Acropole des Draveurs dans le Parc des Grands-Jardins! Fiou! La fougue de la jeunesse que la vieillesse ne peut que rêver!
Au revoir, ma belle fille. Tu seras la bienvenue comme notre matelot de première classe.